11/09/2019
Robert Donato
Au début du XVIesiècle, le livre imprimé est parvenu à une maîtrise typographique, mais les bois gravés restent attachés à des formules surannées...
Au début du XVIesiècle, le livre imprimé est déjà sorti de son berceau, de ses premiers balbutiements : les incunables.
S’il est parvenu à une maîtrise typographique, sa décoration reste empreinte d’une certaine inexpérience : les bois gravés qui ornent le livre, sortis des mains de « tailleurs d’images » restent d’abord attachés à des formules surannées, se transmettant d’atelier en atelier, et nécessitent souvent un complément de traitement par des miniaturistes et des rubricateurs, le cordon ombilical avec les manuscrits n’étant pas encore coupé.
De leur côté, les grands libraires du temps, les Antoine Vérard, Philippe le Noir, Jean Petit et autres Nicolas le Rouge restent plutôt, dans ce premier tiers du siècle, assez réfractaires à toute modification, et ce principalement pour des raisons économiques : ils entendaient rentabiliser les jeux de bois gravés qu’ils avaient constitués.
Un bon exemple en est les livres d’heures qui connaissent un débit considérable.
C’est, entre autres, de ce type d’ouvrages et de la demande du public, qui attend de la nouveauté, que va arriver le changement.
Le principal vecteur en étant l’influence italienne : « Le souffle de la Renaissance passait sur notre pays comme un présage de jeunesse éternelle ».
En caricaturant un peu, on va passer de bois allemands et de typographie gothique, aux bois italiens et à l’écriture italique.
C’est le temps des Geoffroy Tory et autres Jacques Kerver.
Si le premier tiers du siècle avait été une phase de transition, où le livre se dégageait peu à peu de l’influence du manuscrit et des traditions gothiques, ce second tiers de siècle va voir son épanouissement : qualité du papier, netteté d’impression, élégance des caractères, proportion des marges et des divers éléments décoratifs, beauté du dessin dans l’illustration.
Des heures de Geoffroy Tory au Songe de poliphile, chef d’œuvre d’édition d’Alde Manuce, repris et interprété par Jacques Kerver quelque cinquante ans plus tard avec autant de bonheur et de talent, c’est « l’âge d’or » du livre.
Toute époque d’harmonieux équilibre est habituellement suivie d’une période de décadence, plus ou moins longue, pendant laquelle les procédés, la virtuosité manuelle des artistes et les poncifs d’atelier suppléent au défaut d’invention et d’originalité.
C’est ce qui arrive au livre en ce dernier tiers de XVIe siècle : la qualité du papier décline, l’illustration se complique, le sens des proportions se perd, la qualité d’impression diminue car les préoccupations commerciales l’emportent sur celles de l’esthétique.
Bientôt la gravure en taille douce va remplacer le bois, une nouvelle ère arrive.